Sens & Tonka
LA BEAUTÉ DE L'INDIFFÉRENCE
– RÉÉDITION –
À observer l’art du XXe siècle, le ready-made est une pierre d’achoppement contre laquelle il est difficile de ne pas venir buter. S’il fut tout d’abord un objet non identifié par l’art de son temps, il est devenu une référence incontournable pour la création contemporaine qui ne cesse encore aujourd’hui de s’y rapporter. Faire de l’art avec ce qui n’en est pas : voilà la définition aporétique du ready-made qui a été progressivement invalidée par sa postérité. En obtenant une légitimité au sein du champ de la création plastique, l’invention de Marcel Duchamp s’est transformée en un paradoxal « objet-dard » dont l’instabilité semble continuer à inquiéter même si elle a rejoint les musées. Au cœur de ces « coins de chasteté » où toutes les provocations de la modernité ont été rassemblées, le ready-made demeure en effet le lieu d’une césure impossible à résorber. Il a ouvert la catégorie de l’œuvre d’art à ce qui lui était soi-disant le plus étranger lorsqu’elle se limitait encore à l’illusion : la réalité même.
LA NAISSANCE DES DIEUX
Cet ouvrage tente de saisir "sur le vif" la transformation, constitutive de la mythologie, que l’institution de l’État fait subir au matériau mythique préexistant. Il se place dans la continuité des travaux anthropologiques de Claude Lévi-Strauss et de Pierre Clastres, considérant les "sociétés contre l’État". Il s’avère possible, dans le cas grec, de relever chemin faisant, le travail de "mythologisation" qui s’effectue sur un matériau mythico-mythologique préexistant — qui va des "légendes" de fondation des cités grecques à l’élaboration proprement mythologique chez Hésiode. Un parcours souvent absent dans d’autres cultures (historiques ou ethnologiques) où la fixation écrite de ces "légendes", évidemment orales à l’origine, n’a pas eu lieu.
HISTOIRE DÉSINVOLTE DU SITUATIONNISME
Dans l’histoire des avant-gardes artistiques ou plastiques, l’ironie s’évapore comme l’éther, enivrant jusqu’à la perte de soi le faiseur d’histoires...
Une bande de copains se réunit et il en sort Dada, Nicolas Bourbaki ou l’I.S... Ainsi se pose l’importance de tel ou tel mouvement, son poids du moment sur les événements de son époque et ensuite son importance rétrospectivement sur l’histoire de son temps. Les avant-gardes étaient des bijoux de sérendipité aux métamorphoses tranquillement intranquilles, colorées ou fades.
Mais la sclérose gagne vite les idées, parfois aidée par un foie "éponyme". Ce qui manque à ceux devenus "papables", c’est l’ironie et la légèreté des rencontres hasardées. Ainsi, des gaz peu ragoûtants émanant jusqu’à l’écœurement, une petite brise fait du bien... Toulouse-la-Rose a commencé à ventiler le local. Ici, Xavier Lucarno fait entrer un peu d’air frais révélant les fragrances des Beaux-Esprits de l’avant-garde, si importante mais ayant tout renié de son impertinence.
R. Vaneigem a commis une désinvolte histoire du surréalisme. Voici, sous le masque de l’ironie, celle, désinvolte, de la "situationnite".
L'ALTERNATIVE AMBIANTE
« Pendant que l’écologie radicale, arc-boutée à ses préceptes de rigueur, tente de résister, pendant que le Green business s’organise pour récupérer le marché bio, une troisième voie, sans nom, et qu’ici j’appelle “L’alternative ambiante”, naît des rumeurs entremêlées — analyses contradictoires, bilans de catastrophe, prédictions hasardeuses — mais aussi de véritables constats, d’expériences et de recherches sérieuses. [...] L’alternative ambiante regarde du côté de la décroissance sans y adhérer tout à fait, se détourne du Green business jugé excessif et, plutôt que d’espérer un quelconque salut venant des élus de la République, se place dans l’expectative en interrogeant les incidences possibles de l’Effet papillon. Oui, le jardin est planétaire, plus personne ne peut en douter mais tous ceux dont l’esprit alerté mesure les dimensions d’une si ample question se demandent comment on devient jardinier dans ce jardin-là. Aucune réponse ne parvient formulée d’un bloc. L’humanité incrédule, tour à tour endormie par les médias et réveillée par la crise, tente de nouvelles pistes de vie en terrain inconnu. Tout est à inventer, tout semble nouveau. »
DES CLAMEURS DE DÉGOÛT ET DES AMOURS MALADES
Le livre se décline en poèmes et textes de combat.
Avoir, Ma montre, L’obscurité, Volonté d’en finir, La perspective, La dérive des continents, L’amour, sont autant de mots jetés en vrac à la gueule d’une société qui, pour l’auteur, n’a que le mérite de recevoir des coups.
Combat contre le temps enfermé dans sa mesure, « ma montre de combat en refusant la cadence m’empêche de courir après le temps... »
Combat contre l’oubli comme dans La guerre, « Cette guerre que nous menions jadis, t’en souviens-tu mon frère, nous offrait la gloire des hommes sans la peur qui va avec... »
Combat contre les dominants sous le dénominatif railleur de Les Bourgeois à la lanterne, qui exprime et forme le substrat caustique et rythmé de l’ouvrage dans son ensemble.
MANIFESTE DU TIERS PAYSAGE
« Si l’on cesse de regarder le paysage comme l’objet d’une industrie on découvre subitement – est-ce un oubli du cartographe, une négligence du politique ? – une quantité d’espaces indécis, dépourvus de fonction, sur lesquels il est difficile de porter un nom. Cet ensemble n’appartient ni au territoire de l’ombre ni à celui de la lumière. Il se situe aux marges. En lisière des bois, le long des routes et des rivières, dans les recoins oubliés de la culture, là où les machines ne passent pas. Il couvre des surfaces de dimensions modestes, dispersées comme les angles perdus d’un champ ; unitaires et vastes comme les tourbières, les landes et certaines friches issues d’une déprise récente.
Entre ces fragments de paysage aucune similitude de forme. Un seul point commun : tous constituent un territoire de refuge à la diversité. Partout ailleurs celle-ci est chassée.
Cela justifie de les rassembler sous un terme unique. Je propose Tiers paysage, troisième terme d’une analyse ayant rangé les données principales apparentes sous l’ombre d’un côté, la lumière de l’autre.»
TRAITÉ SUCCINCT DE L'ART INVOLONTAIRE
— NOUVELLE ÉDITION AUGMENTÉE —
De la confrontation de la nature et de celle de l’homme se dégage une synergie qui crée accidentellement des tableaux souvent d’une terrible beauté. Gilles Clément a, au long de ses voyages, décelé dans ces signes du croisement la présence d’un art involontaire.
LE LITTORAL, LA DERNIÈRE FRONTIÈRE
« Depuis plusieurs années, l’extérieur l’emporte partout sur l’intérieur et l’histoire géophysique se retourne tel un gant », constatait Paul Virilio en 2009. La situation n’offre aucune prise, la « fin de l’Histoire » masque avant tout une fin de la géographie et de son continuum. L’immédiateté exclut l’étendue. Monde fini, fin de la géographie... mais comment donc reconfigurer l’espace pour calmer les flux ? La passion contemporaine pour l’édification de murs témoigne de cette ambivalence jouant simultanément sur la fermeture et l’ouverture, entre un pouvoir de plus en plus virtuel et de grossières barrières physiques, barricades ou corridors. À l’heure du « village planétaire », pensez donc ! Mais le village n’a-t-il pas toujours été dominé par l’isolement et la surveillance ?
SURRÉALISME ET SITUATIONNISTES AU RENDEZ-VOUS DES AVANT-GARDES
La chronologie n'assigne pas seulement aux avant-gardes leur place dans l'Histoire ; elle les classe d'emblée par ordre d'importance. Il en est de même pour leurs substituts contemporains. L'Internationale situationniste succède au surréalisme et le mouvement de Debord hérite d'une partie du mouvement de Breton et se déleste de l'autre pour repartir de l'avant. Mais vers quoi ?
DE LA COMPACITÉ
— RÉÉDITION —
Cet essai, initialement paru en nos éditions en 1997, explore une relation entre certaines formes d’architecture et les expériences totalitaires du siècle dernier. En s’appuyant sur l’emblématique totalitarisme nazi incarné par deux hommes, Hitler et Speer, Miguel Abensour sonde les profondeurs, les connivences, les avatars des dirigeants dans l’œuvre de domination. L’auteur laisse en filigranes d’autres totalitarismes aux résolutions esthétiques semblables.
Par un regard attentif sur le passé, M. Abensour pointe en réalité, cruellement, notre présent.