Sens & Tonka
LE CAS TRAWNY
Michèle Cohen-Halimi et Francis Cohen
Edgar Poe nous l’a appris, le meilleur moyen de dissimuler est d’exhiber ce que l’on veut soustraire à la lecture. On pourrait nommer le dispositif de “la lettre volée” l’entreprise qui consiste à dévoiler publiquement l’antisémitisme de Heidegger en éditant son journal de pensée, les Cahiers noirs, pour mieux empêcher cet antisémitisme de se plier aux conditions usuelles, c’est-à-dire historiques, politiques et morales, de sa compréhension. Heidegger est d’autant plus montré comme antisémite que son antisémitisme est soustrait à l’antisémitisme.
M. C.-H. & F. C.
L'AGONIE DE LA PUISSANCE
L’Agonie de la puissance réunit trois variations de textes de Jean Baudrillard écrits à l’occasion de conférences prononcées au cours des années 2005 et 2006. Ces textes, qui ont un fonds commun (l'hégémonie du Bien, la "terreur blanche"...) permettent de saisir les interstices, les subtilités de la pensée de l’un des grands penseurs de notre époque.
ON L'APPELAIT RÉVOLUTION...
Le sommeil de la raison engendre des monstres, nous dit Goya, et il nous montre le dormeur prisonnier de ses cauchemars. Rien de comparable pourtant au sommeil de la mémoire qui permet à des monstres autrement dangereux de hanter notre histoire en se coulant dans des formes familières. Ces figures de l’oppression du passé, héritières des régimes totalitaires, n’hésitent pas à détourner la mémoire de ceux qui se sont opposés à leur entreprise, à se parer de leur nom, à contrefaire les rôles pour abuser le regard et les esprits.
C’est surtout la révolution qui, dans le monde contemporain, apparaît comme la négation radicale de ce qu’elle a représenté pour les exploités et les penseurs quand ils luttaient pour réaliser une société d’où les rapports de domination et de servitude auraient été bannis. Si bien que rendre au mot son véritable sens, faire en sorte que l’expression corresponde à la chose, voilà qui serait rien moins qu’une... révolution.
Il s’agit, ici, de percer le “mystère d’iniquité” qui consiste à changer chaque parole de l’émancipation en son contraire.
LA CATHÉDRALE DE LA MISÈRE ÉROTIQUE
Kurt Schwitters, oscillant entre constructivisme et Dada, est “le” grand artiste de l’avant-garde allemande. De 1922 à 1937, il construit, dans son immeuble à Hanovre, une “colonne” appelée Cathédrale de la misère érotique ou Merzbau (construction merz) œuvre-phare à l’architecture stupéfiante, exceptionnelle, unique dans l’histoire de l’art, qui invite à entrer dans l’intelligence des conceptions singulières du génie enjoué de l’artiste (collages, peintures, assemblages, poèmes, typographies).
Le destin de K. Schwitters fut brisé par l’exil quand il dut fuir le nazisme. Il mourut en Angleterre en 1948, après avoir recommencé la construction de sa colonne par deux fois.
ÉLOGE DE LA DÉPENSE
Avec une postface de Yann Diener
La dépense n’a plus bonne presse. Désormais, tous les partis politiques s’en défendent pour conduire au mieux une politique d’austérité ordonnée par la crise européenne. Parallèlement, les messages publicitaires et les injonctions médiatiques engagent l’individu à se dépenser sans limite et à consommer — quitte à culpabiliser. Il y aurait donc un double mouvement, une schizophrénie moderne entre dépense publique et dépense privée, entre économie générale et économie psychique. Pourtant, la politique d’austérité dévoile un même idéalisme néfaste pour l’ensemble du corps politique. En prenant appui sur la pensée contemporaine, cet essai explore les problématiques actuelles de la dépense dans la parole publique et ses conséquences sur la place du citoyen. L’ambition est de mettre à jour les rapports physiques et symboliques qui lient l’austérité politique à l’ascétisme individuel dans une même morale de la production, pour pouvoir redonner à la dépense toute sa valeur subversive.
LE READY-MADE ORIGINAL
Why not sneeze Rrose Sélavy ?
Le monde merveilleux du ready-made a sa propre logique. La contradiction n’y a pas cours ; ou du moins, ce qui nous apparaît comme tel y représente un charme de plus. L’à-peu-près y vaut la rigueur, et souvent en tient lieu. C’est un monde où il y a “autre chose que oui, non et indifférent”, où l’indifférence même est autre chose qu’elle-même — une méta-indifférence, qui est une indifférence est une indifférence est une indifférence, de même que la rose de Gertrude Stein “est une rose est une rose est une rose”.
Oui, pourquoi ne pas éternuer ?
ABÉCÉDAIRE
Cet Abécédaire est le prolongement d’une conversation de l’auteur avec le philosophe Gilles A. Tiberghien.
Autonomie — Brassage planétaire — Continent théorique — Désobéissance — Étonnement — Faire avec — Génie naturel — Herbe — Initiative — Jardin — Kangourou — Lisière — Mouvement — Nuage — Optimisme — Patience — Q.I. — Résistance — Silence — Troc — Utopie — Variable — Wikipédier — X — Yin yang — Zizanie
SENTENCES DE SOLITAIRE
Sentences de solitaire poursuit le jeu entamé dans les précédents ouvrages de Toulouse-La-Rose publiés en nos éditions, Du singe au songe (2007), Pensées, donc (2008) et Libres pensées (2012) : des aphorismes trempés à l’acier du bon sens, de la politique, de la culture, qui révèlent le sordide des idées trop largement partagées.
Entre un « dictionnaire des idées reçues » et les loufoqueries d’un humoriste. Toujours bref et furieux.
LIBÉRER L'ENFERMÉ. AUGUSTE BLANQUI
Ouvrage écrit en collaboration avec Valentin Pelosse.
Au fond de nos souvenirs dort Blanqui, exalté, allumé, tour à tour activiste, militaire, « alchimiste », « philosophe », dressant des barricades avec des mots et des mots comme des barricades. L’homme des proclamations, des éclats : « Pourquoi le drapeau de la révolution est-il rouge ? c’est qu’il fut trempé mille fois dans le sang du prolétariat ». Par ses actes, ses écarts, ses images, Blanqui devint un mythe. Celui que l’on nomma l’Enfermé est devenu l’effigie du révolté — en oubliant ce qu’il fut.
Ce bref texte sommeillait à la fin d’un volume que nous fîmes paraître en l’an 2000 (reprise d’une parution de feu les Éditions de la Tête de feuille, 1973) où se confrontaient les « Instructions pour une prise d’armes », « Je suis un de ces voyageurs », « Contre le positivisme » et « L’Éternité par les astres ». Ne pas « Oublier Blanqui » est le but poursuivi.
UNE ÉDUCATION ARCHITECTURALE
Antoine Stinco retrace dans ce récit l’itinéraire où le goût de l’architecture s’est, dans les années soixante, et malgré un enseignement rétrograde, imposé au jeune étudiant qu’il était.
En parallèle, l’auteur raconte certains états de sa vie truffés de péripéties dans une époque débutante où soufflait un vent de légèreté, pouvant faire croire, en plein cœur de ces années des trente glorieuses, à l’ambiguïté d’une liberté… enfin acquise ?
Un témoignage à ne pas manquer sur une époque révolue évoquant peut-être ce que furent « Les années folles » !