Déjà Paru
LE DEUIL DES DEUX SYLLABES
“Aujourd’hui, j’ai recommencé. Je ne sais pas quoi en penser, je croyais que j’étais guérie, comme si c’était une maladie, une simple maladie qui expire aux remèdes. Le temps en était un, en pleins déliés lisibles tout en haut de l’ordonnance. Des tours d’horloge par milligrammes, de la patience en gélules et de l’espoir en gouttes. Un céladon serein, vingt-cinq dans un verre d’eau matin midi et soir. Le tournoiement des aiguilles se reflétait au blanc de l’œil tandis que chaque gorgée m’ancrait dans un réel glucosé d’optimisme.”
L'OMBRE ET L'ANNEAU
“Par inadvertance ou presque, se penchant au-dessus du puits, il venait d’apercevoir le reflet de la dame sur le miroir sombre des eaux, pensant d’abord qu’il s’agissait d’une étrangère importune ou d’une apparition aquatique montée des profondeurs, avant de reconnaître justement la dame qui était l’être au monde qu’il chérissait désormais le plus.”
ADAM CHEZ LES BLOUSONS NOIRS
C’est l’histoire d’un gars, aurait dit un autre, l’histoire d’une époque abolie où les "Blousons noirs" faisaient régner leur loi, où Paris était encore populaire et sa banlieue proche déjà un vaste univers fait de terrains vagues, de flirts, de bastons, de fumettes et d’histoires miraculeuses. Un gamin grandit au milieu de tout ça, coincé entre les fantasmes de sa grand-mère, qui veille sur lui, et les murs de la cité, qui pèsent sur lui. De manière inattendue, la lecture d’un Rimbaud salvateur et la découverte de la création du premier homme feront de lui le prince de la nuit, le maître des clochards... et le chasseur de papillons.
TRENTE JOURS, J'AVAIS, J'ÉTAIS
Trente jours, à travers le temps, naviguant magnifiquement entre “être” et “avoir”, ces deux verbes qui, à eux seuls, ont l’incroyable force de résumer notre existence. Naïveté de l’enfance, doutes de l’adolescence, recherche du temps perdu, chemins tracés ou dérives adventives de l’adulte marchant à l’aveuglette sur les voies mystiques et mythiques de la vie et de la mort. Un texte beau, fort et touchant dans lequel chacun a loisir d’y puiser un bout de son âme et de sa propre chair, un texte sans emphase, tout simplement dit avec “les mots pour le dire”.
MAÎTRE NEMO LARGUE LES AMARRES
“Maître Tapiro digérait paisiblement, les pieds posés sur le bureau, lorsque son assistante lui apporta la lettre recommandée. Une telle audace à l’heure rituelle de son Havane, officiellement "garanti sans nicotine”, ne pouvait présager que d’une mauvaise nouvelle.”
J'ADORE LA CUISINE D'AFRIQUE
“– Oui mais, ça se voit ?
– Quoi, la repartie ? impossible puisqu’elle est repartie.
– Tiens, qu’est-ce que je disais, et le voilà reparti ! Réponds-moi sérieusement, est-ce que ça se voit le vin qui me monte aux joues ?
– Tu parles du rouge ou du blanc ?
– Du noir, ah, cette fois je t’ai bien eu !
– Et tu crois que je n’y ai vu que du bleu...
– Noir c’est noir, il n’y a plus d’espoir...
– De voir la vie en rose ?”
POUBELLE DE JOUR
[…] Nos poubelles, nos conteneurs à bouteilles, nos bennes à ordures et nos pissoirs ont fait toilette, et pas qu'eux. « Tout est vert, j'sais pas quoi faire », pour ne citer qu'eux, auxquels, en passant, je rends hommage, tout est vert et pourtant j'sais pas quoi faire non plus dans ce qui suscite en moi une humeur morose au vert du malheur bien éloigné du vert de l'espérance qui peut-être a l'heur de donner du plaisir à quelques-uns de nos politiques à grise mine.
VIE PHILOSOPHIQUE ET VIES DE PHILOSOPHES
Textes réunis et présentés par Bruno Clément et Christian Trottmann
Pourquoi la vie de Socrate est-elle exemplaire ? Pourquoi y a-t-il une affaire Heidegger ? Pour la même raison, au fond : on crédite le premier d’avoir, jusqu’à la mort, conformé sa conduite aux préceptes que lui prête son disciple (qui est aussi son biographe le plus fameux) ; on ne pardonne pas au second d’avoir, en des temps d’horreur, acquiescé à des principes qu’aucune philosophie, du moins soucieuse de son étymologie, ne saurait prôner. Car on postule toujours, le nom d’un philosophe étant prononcé, qu’il s’est efforcé sa vie durant à la sagesse. Tant il est vrai que la philosophie est – doit être – affaire de vie : vie de tous les vivants raisonnables, a fortiori vie du philosophe lui-même.
Le présent volume a donc deux objets : le concept de vie philosophique et le récit de vie du philosophe. Objets qu’il convient certes de distinguer précisément mais qu’il importe aussi d’envisager dans leur relation problématique.
Qu’ils parlent de Platon ou de Foucault, qu’ils évoquent Deleuze ou Montaigne, Kant ou Arendt, les saints philosophes du haut Moyen Âge ou Schopenhauer, Pic de la Mirandole ou un moine pèlerin contemporain, les philosophes de l’Antiquité ou Spinoza, les auteurs du présent recueil ont eu à cœur de ne jamais disjoindre les dimensions spéculative et narrative de la pensée. Ils n’ont pas même craint de prononcer les noms de personnages fictifs (don Quichotte, Gauvain) pour donner l’idée de ce que doit maintenir embrassé la quête philosophique : un souci conceptuel aigu, certes, une rigueur infaillible dans la définition ; mais aussi l’exigence indéfectible d’une vie qui s’y conforme.
Delphine Carron • Bruno Clément • Dominique de Courcelles • Pierre Drogi • Fabio Frosini • Rino Genovese • Richard Goulet • Clemens-Carl Härle • Adrien Klajnman • Suzel Mayer • Antonella Moscati • Romano Romani • Davide Sparti • Christian Trottmann • Anca Vasiliu
ROBERT MILIN
“Je ne recherche pas un médium d’élection. Je ne cherche pas non plus une esthétique populaire car je ne veux rien idéaliser à cet égard. Je mets en forme mes projets selon les situations d’interrelation de personnes à un milieu. La forme résulte des situations rencontrées. Certaines œuvres se présentent sous la forme de dessins, d’aquarelles, de photographies, de textes, de vidéos et dans ce dernier cas avec souvent une place importante faite à la dimension sonore. Mes œuvres peuvent aussi prendre l’aspect de sculptures ou d’installations, interagissant avec le contexte. Alors elles modifient ou interpellent le site, assumant toutes les contradictions possibles.” […]
VOUS AVEZ UN MESSAGE
“[...] c’est dehors, devant les poteaux-hérissons, qu’on retenait en les écrivant d’une écriture griffue de chat sur un bout de papier sorti de sa poche les noms et les numéros de téléphone. Et parmi tous les messages urgents et utilitaires, il y avait celui-ci à l’écriture élégante et à l’énoncé énigmatique : « André, je suis ici, à l’autre bout du monde », suivi d’un numéro de téléphone : 5606122.”