Vincent Kaufmann
Extinctions de voix
À mi-chemin entre récit autobiographique et essai, Extinctions de voix examine le rôle que les médias (les supports de la communication) ont joué, par leur présence comme leur absence, dans la configuration de la vie d’un personnage longiligne, né suisse-alémanique et devenu, Dieu sait pourquoi, un spécialiste de littérature française moderne, alors que celle-ci n’était peut-être pas son genre. Comment ou pourquoi devient-on critique littéraire ? Telle est la question posée dans ce qui s’apparente à une auto-analyse dont le sérieux n’est jamais certain. Le fil conducteur en est l’histoire de la voix de l’auteur ou, plus exactement celle de ses extinctions, de ses défaillances et de ses absences. En effet, si celui-ci a beaucoup rêvé de se faire entendre, il reconnaît volontiers, car le panégyrique n’est pas son fort, qu’il n’avait pas vocation à devenir une voix. Mais n’est-ce pas le destin de tout critique littéraire ? Celui-ci n’est-il pas voué à une voix d’emprunt, à une secondarité qu’il lui arrive de conjurer en se réfugiant dans la théorie ? Ne vient-il pas par définition après ceux qui ont su imposer leur voix, toujours trop tard ? Et comment, si c’est le cas, échapper à la dérision et à l’insignifiance ?
L’ouvrage est constitué d’un prologue, d’un chapitre d’introduction qui en justifie le projet, puis d’une quinzaine de chapitres qui retracent, de la petite enfance à l’âge de la retraite professionnelle, un rapport à la voix, aux automobiles, aux images, aux bandes dessinées, à la télévision, à la radio, aux enregistreurs, au cinéma, au corps et à sa taille, aux mégaphones utilisés dans les manifestations, à l’écriture, aux langues et aux accents, aux (beaux) livres et enfin à la littérature. Il raconte une aventure critique, ou l’aventure d’un critique, placée au sortir de l’enfance sous le signe des années 68, puis de la « théorie », du (post)structuralisme et de l’exil dans le Nouveau Monde, une aventure ponctuée également par la découverte décisive d’auteurs tels que Stéphane Mallarmé ou Guy Debord. Au fil des derniers chapitres, on découvrira que cette aventure est également celle d’une disparition, ou du moins d’un abandon de la critique littéraire, imposés par l’époque, ou par la vie.