Sens & Tonka
MORCEAUX CHOISIS
« L'architecture est un art qui crée de l'interdit. Prenez un terrain, construisez-y un mur, et vous faites incontestablement déjà de l'architecture. Vous séparez le terrain en deux parties et vos créez physiquement une division. Si vous êtes d'un côté, vous n'êtes pas de l'autre. Cet acte est indubitablement un acte d'autorité. Comment peut-on résoudre cela... comment peut-on construire, édifier ou bâtir, sans que l'objet opacifie le paysage dans lequel vous venez de le poser ? Ceci n'a pas à voir avec l'échelle des choses mais bien sûr davantage avec les matériaux, mais plus encore avec ce que vous attendez de l'architecture. C'est cela qui me fait évoquer « cette mort de l'architecture » que je revendique pour ma propre discipline. » D. P.
LE SILENCE S'HONORE
« Les mots en joue tirent de l'oubli les maux commis par les hommes. » Richard Rossin
« À chaque instant, au détour de chacune des pièces savamment concises qui forment ce recueil, l'instabilité de la langue renvoie à l'instabilité des êtres. À travers tous ces mots incertains, ces séquences sonores qui semblent en attente d'un sens, ce qui se dit, ce sont les corps suppliciés, la douleur et le reste. / Du tremblement de la langue, en somme, au tremblement des êtres. » Marcel Benamou
COMMENCER QUELQUE CHOSE UN LUNDI DE NOVEMBRE
« ... Quant au choix de novembre, eh bien que dire : “J’aime l’automne, cette triste saison va bien aux souvenirs. Quand les arbres n’ont plus de feuilles, quand le ciel conserve encore au crépuscule la teinte rousse qui dore l’herbe fanée...”, il est plus poétiquement arbitraire ; il vient peut-être aussi de la simple résonance du mot, novembre c’est beau, ça sonne à l’oreille d’une tonalité vibrante, dedans le mot il y a le vent, derrière le vent il y a l’ambre [...] et ma décision en ayant été longuement réfléchie c’est ce lundi même, cet aujourd’hui lundi de novembre, et pas un autre, que j’ai choisi pour être un jour de commencement. Et je ne reviendrai pas là-dessus. Le hic, c’est que je ne sais pas quoi commencer. » J.-M. S
LA CHUTE DE LA DÉMOCRATIE MÉDIATICO-PARLEMENTAIRE
"Le visage de Le Pen est bien sûr celui de la pourriture franchouillarde de toujours, et c’est dans le cadre d’un système politique bien précis et situé historiquement qu’il s’est implanté, jusqu’à la récente victoire. Et cette victoire marque moins celle du fascisme à la française, que le paroxysme d’une logique politique qu’aucun des commentaires actuels ne veut voir en face. Le visage de Le Pen est aussi et surtout celui du type de "démocratie" qui est le nôtre : depuis dimanche, l’expression récurrente dans ma bouche est : démocratie médiatico-parlementaire. C’est elle qui a porté Le Pen où il est. C’est elle qui l’a voulu. Elle l’a voulu pour se conforter elle-même."
AU ROYAUME DES AVEUGLES
— RÉÉDITION —
“Nous venons d’assister à un opéra-bouffe ou à une comédie de mœurs politique des plus remarquables, et, pour cette fois, les élections ont brillamment mérité leur appellation de piège à cons.”
Ce livre réunit deux textes "politiques" de J. Baudrillard, montrant bien la qualité "prémonitoire" de son travail théorique :
– “De l’exorcisme en politique ou la conjuration des imbéciles” (mai 1997) ;
– “Au royaume des aveugles...” (mai 2002), qui poursuit l’hypothèse réalisée du premier.
DE LA COMMUNAUTÉ VIRTUELLE
"Intersubjectif" est un pléonasme particulièrement pompeux, par les temps qui courent, et la modernité philosophique qui est la nôtre, dans la mesure où il n’y a de sujet que communautaire, et de communauté que de la subjectivation.
THÉORIE DU TRICKSTER
"Qu'est-ce qu'un trickster ? Je livrerai en vrac quelques-unes de ses ententes les plus immédiates et intuitives : homme aux mille ruses, passe-muraille, criminel divin, scanner cronenbergien, joueur télépathe – et j'en passe. Sauf les péjoratives : le trickster serait un faux-cul, purement et simplement. Donc faux-cul, jésuite, tricheur hystérique, petit malin. Autant marquer le pas d'office sur ce qui cloche dans le trickster, il prête son flanc à la facilité, à la lâcheté et à l'aporie."
COMME IL VOUS PLIERA
Série de 6 volumes de 120 p. chacun.
Sur 120 pages, les fameuses rayures à la cote fixe de 8,7 cm sont transformées visuellement et dévoilent, dans un jeu purement graphique, qu’en manipulant peu d’éléments les espaces varient – au point que seulement quelques accidents rétablissent la “vérité” de Buren : la régularité.
MASSE, MÉMOIRE, FICTION
Plus règne l'incertitude quant à la validité d'une mise en ordre culturelle et plus la ville, l'architecture, sont citées à comparaître comme garants de la pérennité civilisatrice. Ces référents sont l'enjeu de la médiatisation généralisée de tout objet susceptible de conservation patrimoniale, alors que la « masse » est elle aussi mise en doute par sa virtualisation.
Sous les métamorphoses supposées, découvrez les stéréotypes convenus.
DE L'INDIFFÉRENCE
Indifférent comme un ready-made. Indifférent comme un silo en rase campagne. Indifférent comme un archipel de gratte-ciel nimbés de vide de la tête aux pieds. Indifférent comme le sourire impénétrable du nouveau-né. Indifférent comme le désir blanc de La Mariée mise à nu dans le Grand Verre de Marcel Duchamp. Indifférent comme un film protecteur entourant les aliments. Indifférent comme le recouvrement étale d’une inondation. Indifférent comme la peinture métaphysique de Giorgio De Chirico scénographiant une statue, deux mannequins, une place aérée, des arcades désertes, des bâtiments vidés de leur substance. Indifférent comme le point de vue adopté depuis Sirius. Indifférent comme l’air conditionné et l’escalator, comme l’espace-foutoir du foutu espace de la ville générique décrite et aménagée par Rem Koolhaas. Indifférent comme un champ de ruines. Indifférent comme le cinéma muet cultivant l’attente. Indifférent comme un jardin zen. Indifférent comme une plaza vide de monde laissant voir les édifices alentour. Indifférent comme le sentiment d’absence de sentiment. Indifférent comme Buster Keaton chahuté par une tornade dans La Maison démontable. Indifférent comme le désert laminé par le vent. Indifférent comme une friche industrielle. Indifférent comme un terrain vague livré aux jeux d’enfants. Indifférent comme la photo en noir et blanc déclinant les nuances du gris. Indifférent comme les machines rouillées et les bâtiments fatigués des banlieues. Indifférent comme les gouttelettes sur une vitre voilant et déformant la perception.